Il était une fois, dans un temps lointain qu’on appelait le Moyen-âge, un seigneur puissant et fort bien armé qui vivait sur les versans d’un Mont majestueux que l’on nommait le Mont-Gibloux. Ce seigneur avait pour nom Rufus.
Rufus possédait de nombreuses terres, et il passait beaucoup de son temps à légiférer pour ses sujets depuis son château, à Vaulruz. Cependant, lorsqu’il en avait l’occasion, il quittait sa charge et sa responsabilité et se cachant sous une grande cape de couleur forestière et en se parrant d’une paire de bois de cerf afin de parcourir ni vu ni connu, les sentiers de sa bien-aimée montagne.
Or, une année qui fut particulièrement dure, il décida qu’à Noël il n’utiliserait pas son trésor pour festoyer. Il donna congé à la majeure partie des Gardes de son château, et s’en alla pour une de ses promenades secrètes au cœur du Mont-Gibloux.
Mais, alors qu’il marchait depuis plusieures heures déjà, il tomba nez à nez avec un bûcheron qui le pris pour un cerf.
Rufus demanda alors « Pourquoi travail-tu encore alors que c’est Noël? Ne devrais-tu pas poser ta hache comme les autres et te reposer? »
Le bûcheron qui fut d’abord surpris de voir un cerf parler mais qui ne voulait pas être impoli répondit:
« Beau cervidé, je suis un travailleur, point un faignant. Je ne peux m’arrêter quand d’autres se reposent alors qu’il reste tant de travail. L’année a été difficile. Il reste beaucoup à faire »
Rufus répondit.
« Écoute-moi et si personne ne t’attends ce soir, rends-toi au Château de Vaulruz et attend ma venue. Il y aura là-bas un travail qui devrait te combler. Et si tu connais d’autres bourreaux de travail dans ton genre, n’ait crainte de les y convier.
Le bûcheron, qui pensait toujours parler à un cerf – et on ne désobéit pas aux créatures magiques du Mont-Gibloux- mis sa hache sur son épaule et pris alors la route.
Un peu plus tard, Rufus arriva par hasard dans une petite bourgade fermière des plus miteuse. Les habitants sortirent de leur maison pour voir quel était cet étrange animal.
Rufus demande à haute voix:
« Ou est la joie et la festivité? Ou sont les décoration et les victuailles propres au temps des fêtes? »
Un homme qui paraissait être le chef du village répondit alors:
« Nous sommes pauvres, ami Cerf. Noël n’est pas un jour différent des autres pour nous. Nous n’avons qu’un peu de pain et d’eau et devrons nous en contenter. Nous n’avons que la solidarité pour nous tenir chaud »
Rufus retorqua:
« Écoutez-moi et si cet endroit n’a rien à vous offrir, rendez-vous au Château de Vaulruz et attend ma venue. Il y aura là-bas de quoi redonner un sens à votre vie. Et si vous connaissez d’autres misereux du même acabit, n’ayez crainte de les y convier.
Les Villageois, qui pensaient toujours parler à un cerf – et on ne désobéit pas aux créatures magiques du Mont-Gibloux- enfilèrent leurs capes et se mirent en route.
Les pas de Rufus le menèrent ensuite à croiser la route d’une caravane de voyageurs. Festifs et enjoués mais toujours sur la route.
Rufus demanda:
« Ne serait-il pas temps de poser vos sacs quelque part pour fêter Noël et se sentir chez soi? »
Une voyageuse qui paraissait être la matriarche répondit alors:
« Joli animal, nous sommes des étrangers. Les gens tolèrent notre passage mais ne nous accueillent pas chez eux. Le Mont-Gibloux et ses habitants craignent ceux qui sont différents et qui viennent de trop loin. »
Rufus s’offusqua
« Vous faites d’une exception une généralité. Écoutez-moi et vu que rien ne vous lie à ce lieu, rendez-vous au Château de Vaulruz et attendez ma venue. Il y aura là-bas de bonnes raisons de s’y poser. Et si vous connaissez d’autres etrangers en manque de foyer, prenez-les avec vous.
La matriarche, qui pensait toujours parler à un cerf – et on ne désobéit pas aux créatures magiques du Mont-Gibloux- épaula son baluchon et fit avancer son convoi.
Rufus rentra alors au château de Vaulruz et lorsqu’il y arriva, trouva toute une troupe d’artisans, de paysans et de voyageur devant les portes, que les Gardes ne laissaient pas entrer.
Rufus traversa la foule qui s’ecarta à son arrivée et devoila alors son identité véritable.
Le capitaine de la Garde qui etait de service en ce soir de Noël le salua et dit alors:
« Monseigneur, ces gens veulent entrer. Ils disent qu’un cerf les y a invité. Mais nous ne pouvons les laisser venir dans le château.
« Et pourquoi donc? » Demanda Rufus
« Les artisans ne font que travailler, et ils s’offusquent sans cesse que chacun ne partagent pas leur labeur.
Les paysans sont pauvres et n’ont rien d’autre à nous apporter que des bouches à nourrir.
Les étrangers sont trop différents et ils vont dénaturer notre culture.
Et puis…. aucun n’est combattant et c’est de guerriers dont nous avons besoin. »
Rufus réfléchit. Il pris ensuite la parole et annonça à tous.
« Vous avez tous des valeurs.
L’artisant glorifie le travail.
L’humble glorifie la solidarité
Le voyageur glorifie la liberté
Le guerrier glorifie la discipline militaire.
Chacune de ces valeurs à sa place sur le Mont-Gibloux. Mais pour cohabiter, nous devrons apprendre à les appliquer à nous-mêmes sans les imposer aux autres.
Et si, en ce jour de Noël, vous acceptez de faire cet effort, je vous ouvrirais les portes de mon château et il sera vôtre.
Alors que l’artisan nous construise une grande table.
Que le fermier ouvre le cellier et nous prépare un banquet
Que les voyageurs nous emmènent dans leurs aventures et leur musique.
Que les soldats veillent sur nous…. mais n’oublient pas de trinquer et festoyer.
Ainsi vous serez tous la Garde du Mont-Gibloux, pour Noël et pour tous les jours de l’année.
Image: Natalia Shilyakova-Sorokina